Le son coule de source
Le contrôle de la vibration interne conduit à la perception de plus en plus précise de sa source.
La jouissance diffuse
On ressent intérieurement la source du son en visant le fond du diaphragme, imaginé jusque dans les talons, et même plus bas : c’est le Hara des japonais, ou bien le Tan Tsienn des chinois, siège de l’énergie universelle, du souffle originel. Ce processus interne ciblé est exposé par George Kochevitsky dans The Art Of Piano Playing.
vers l’enracinement
En se concentrant sur la source de sa vibration interne, on l’imagine s’infiltrant dans le sol. Alors, on laisse le son se propager, sans essayer de le pousser vers l’extérieur, pour qu’il conserve sa plénitude en résonant dans l’instrument.
L’absence de toute contraction parasite permet donc au musicien à vent, aussi bien qu’au pianiste, de se représenter mentalement sa vibration se diffusant dans le sol.
« { Dans ses conférences et ultérieurement (1958), Grigori Kogan énonça les préalables suivants à un bon travail pianistique :
(1) Savoir écouter intérieurement l’idée musicale qui va être concrétisée sur l’instrument – l’écouter très précisément dans sa globalité, ainsi que dans ses moindres détails.
(2) Désirer exprimer cette vibrante intention musicale avec passion et persévérance.
(3) Renouveler sa pleine concentration sur son discours musical aussi bien en travail quotidien qu’en situation de concert. }
Les musiciens les plus avancés et accomplis (…) insistent sur le fait que “l’exercice de la technique à partir de l’extérieur doit être remplacé par celui venant de l’intérieur“. Grigori Kogan intitula ce troisième courant de la théorie du jeu pianistique, l’école psychotechnique. »
« Hugo Riemann (1849-1919) écrivit :
George Kochevitsky, The Art Of Piano Playing (traduit par Guy Robert)
“Il est impossible de développer sa vélocité autrement qu’en exerçant le système de transmission du cerveau vers les muscles. Ce processus interne orienté vers l’extérieur est irremplaçable.“«
À partir de ce point central où l’action des muscles du dos prolonge l’inspiration par l’expiration en convergeant vers le transverse de l’abdomen, la colonne de son entre en vibration sur toute sa hauteur, en passant par les cordes vocales pour faire résonner tout le corps, comme le démontre Alfred Tomatis dans L’oreille et la voix.
la personnalisation du son
Le chanteur ou l’instrumentiste laisse sa vibration interne se déclencher au plus bas de la colonne du son, qu’il visualise mentalement au niveau des talons, grâce à sa relaxation descendante prolongeant l’inspiration naturelle : cette sensation exempte de tensions doit être ensuite conservée au niveau des racines, garantissant ainsi l’homogénéité de la vibration du corps sur toute la tessiture.
On peut parler alors du son personnalisé.
« (…) cette mise en activité de la structure osseuse change entièrement le contrôle de l’émission. Tout d’abord, il faut dire que cette dernière n’a rien de commun avec ce que l’on produit d’ordinaire pour peu que l’on “pousse“. Précisons ensuite que, grâce à cet “allumage“ et à la particulière transmissibilité des sons par le squelette, le contrôle adopte la voie osseuse, directe, sans perte d’énergie, sans altération du spectre sonore alors même qu’il est difficile et, comme on l’a vu, rendu impossible par conduction aérienne.
(…) On voit ainsi combien est avantageuse cette émission aisément contrôlée et riche en fréquences élevées. Il en découle une propension à la verticalité. Cette dernière facilite elle-même l’émission et provoque, on le sait maintenant, une énergétisation toujours plus efficiente. »
« Alors d’où vient le son, s’il ne peut sortir ni de la bouche ni du nez ? Il émane en fait essentiellement de tout le corps par l’excitation de la colonne vertébrale grâce au larynx qui appuie sur les vertèbres cervicales. (…) Le son émis donne ainsi l’impression de sortir en arrière dans la direction d’un public qui nous écouterait tandis que nous lui tournerions le dos.
Dès lors, le son prend un timbre spécial, très dense, coloré, aérien. Bon de qualité, vibrant, lumineux, léger, emplissant l’espace de manière éthérée, il semble extérieur au corps. Ce son est pour le moins surprenant de prime abord. Il éveille littéralement l’environnement par une sonorité veloutée et dense. Il se propage avec aisance. Celui qui l’écoute a du mal à le localiser. Il a l’impression que ce son met en résonance toute la pièce dans laquelle il est produit.
De plus, une telle émission peut être modulée très rapidement sur deux ou trois octaves sans qu’elle coûte d’efforts à celui qui l’émet.
C’est cela le son osseux. »
Alfred Tomatis, L’oreille et la voix
le recentrage pour la concentration
De son côté, Dominique Hoppenot montre comment le lâcher-prise vers le bas libère le contrôle de la vibration interne.
L’instrumentiste sait observer sa respiration inférieure pour capter le son à sa source, à la toute fin de son inspiration naturelle : pour ce faire, il intériorise cette sensation au fond du diaphragme et la laisse se propager jusque dans les talons.
La relaxation descend ainsi jusqu’à la mise en vibration sans effort, avec du grain et du gras : c’est la pose du son.
« Comme pour un chanteur, le son du violoniste lui vient de l’intérieur. Notre travail consiste en fait à libérer notre son, le son que nous possédons virtuellement, c’est-à-dire notre voix. Il n’y a rien à quêter ailleurs qu’en nous-mêmes.«
« (…) on ne peut jamais se dispenser de la recherche intérieure de la sonorité, de la “plongée au fond “, seule capable de faire du son une manifestation de “l’être“.«
« Il faut concevoir son émission comme si elle libérait une conception sonore latente, déjà intériorisée, un son pouvant en quelque sorte se propager dans l’espace sans le secours de l’archet.«
« II faut savoir attendre jusqu’au dernier moment avant de se poser en souplesse. (…) Un son qui commence doit savoir s’arrêter avec précision et de toutes les façons imaginables.«
« (…) l’assise et la concentration dans le Hara ont pour but de faire rayonner le plus possible d’énergie afin de donner aux extrémités tactiles un pouvoir musical maximum.«
« Le centre virtuel de ce mouvement – qui est le véritable centre de la respiration – se trouve donc au milieu du ventre, et pas du tout dans la poitrine où se trouvent les poumons (qui n’en sont pas moins le lieu réel de la fonction respiratoire !…).«
« Se concentrer, c’est avant tout revenir au centre du corps et s’y établir, au lieu d’être le jeu de forces divergentes et contradictoires.
Le Hara dont parlent les orientaux, et surtout les japonais, est le point crucial de notre corps. Situé à la charnière lombo-sacrée, il coïncide avec le centre de gravité. Le Hara n’est pas un organe précis que l’on pourrait situer anatomiquement, il est le lieu physique où se concentre notre force, où se fonde notre stabilité.
Être placé, c’est être dans son Hara, avec son centre, concentrum. »
Dominique Hoppenot, Le violon intérieur
« Concentrez votre attention sur votre diaphragme : vous le sentez descendre sur l’inspiration, faisant pression sur les viscères, et remonter souplement sur l’expiration. Ce foyer de notre souffle, c’est lui qu’il faut découvrir, mais comment le situer ? Il suffit de sentir l’endroit précis où converge la pression engendrée par l’abaissement du diaphragme.
(…) à environ 5 cm sous l’ombilic et 7 à 10 cm à l’intérieur du ventre.«
Michel Ricquier, Traité méthodique de pédagogie instrumentale – André Van Lysebeth, Revue mensuelle Yoga
« Lorsqu’on a découvert ce centre, il faut y maintenir, bien localisé, le poids de notre corps.«
Michel Ricquier, L’utilisation de vos ressources intérieures dans votre activité instrumentale – André Van Lysebeth, Revue mensuelle Yoga
« Il faut regarder l’emplacement sur lequel l’inspiration se transforme en expiration, prendre conscience de l’inspiration, qu’on ne fait pas. Tout est dans la vision.«
Robert Pichaureau, A tous vents