L’embouchure pour le son
L’instrument du musicien à vent devient littéralement son porte-voix par l’intermédiaire de son embouchure.
Bas le masque !
L’ensemble bouche / bec / anche / ligature constitue l’embouchure globale : cette configuration est variable d’un instrumentiste à l’autre, trouvant son équilibre entre sa morphologie et le matériel utilisé.
La résonance interne du musicien excite l’anche, qui doit vibrer facilement, d’où le conseil d’utiliser une anche pas trop forte, afin de maîtriser la richesse du son (Peter King m’avait raconté avoir été étonné de constater, lors d’un remplacement en Angleterre dans les années 70, que Cannonball Adderley jouait avec une anche plutôt faible).
Ainsi le musicien affine progressivement sa combinaison bec / anche pour contrôler le son : ce compromis peut varier selon plusieurs facteurs, mais l’essentiel est de savoir l’ajuster, principalement en modifiant le choix de l’anche, avec son bec habituel. Et s’il faut recourir à une anche plus faible pour être à l’aise, on peut ensuite en moduler la force pour améliorer l’équilibre grain / timbre, et du même coup la confiance en soi : cela passe par la visualisation mentale de l’émission à la source du son, en évitant toute contraction perturbatrice au-dessus du diaphragme (notamment celle qui serait provoquée par une anche trop forte), comme le suggère Alfred Tomatis dans L’oreille et la voix.
gorge profonde
En se concentrant sur l’ouverture de la colonne du son vers l’arrière et le bas – tout en voulant prononcer la voyelle « ah » -, l’instrumentiste oublie son tronc réel et son embouchure, garantissant ainsi l’absence de contractions au niveau de la gorge.
« Le but à rechercher en ce qui concerne le pharynx, tout comme pour le larynx, c’est d’éviter le serrage qui peut apparaître sous l’effet des muscles constricteurs. (…) Les muscles dilatateurs seront mis à contribution ainsi que la langue qui d’elle-même sera placée le plus antérieurement possible afin de ne pas diminuer le volume de la cavité. »
Alfred Tomatis, L’oreille et la voix
Ainsi qu’aimait le rappeler Joe Allard, il faut concevoir le bec comme une extension de la bouche et l’anche comme une extension de la langue : en retournant cette image, l’embouchure globale se prolonge mentalement dans le ventre jusqu’au Hara, et on chante alors dans l’instrument depuis ce point central.
Penser le son sans pincer
L’instrumentiste à vent verticalise son attitude en laissant sa colonne de son vibrer depuis les talons, et imagine de surcroît son embouchure à la source du son, au fond du diaphragme : ensuite, en laissant descendre la relaxation, la vibration interne décolle doucement de la base de la colonne de son pour alimenter l’instrument par l’embouchure.
Dominique Hoppenot démontre comment le violoniste laisse sa vibration se propager au corps du violon par l’intermédiaire de la clavicule.
« Le plus important de tout est d’écouter le son qui va venir et non pas seulement le son qui est déjà réalisé. »
Dominique Hoppenot, Le violon intérieur
Une fois sa posture installée, l’instrumentiste amène naturellement son instrument en mains (et en bouche pour un soufflant) pour amplifier le son préparé à l’avance ; alors entre en jeu l’embouchure, souple et décontractée, et même oubliée, car son attention est concentrée sur la base de la colonne de son : là se réalise la liaison entre l’émetteur (le corps de l’instrumentiste) et l’amplificateur (le corps de l’instrument), dont la projection sonore est ensuite travaillée par les doigts, puis par la langue.
« Il ne faut pas se préoccuper du placement de l’embouchure, et surtout ne pas appuyer.«
Robert Pichaureau, Expressions favorites
« Il faut viser la meilleure relaxation possible au niveau de l’embouchure, de façon à laisser se dérouler les effets vibratoires de l’anche, en évitant toute contrainte intempestive sur sa capacité de vibration. Au moment où l’air vibrant atteint le bec, l’essentiel du travail d’élaboration du son personnel est déjà accompli.«
David Liebman, Developing A Personal Saxophone Sound – (traduit par Guy Robert)
« Lorsque, par exemple, mon embouchure va arriver, c’est le plaisir, le plaisir c’est un élan. Quand on prend un élan pour franchir un obstacle, arrivé devant l’obstacle, emporté par l’élan, boum, ça y va, ça joue, il ne faut pas jouer, ÇA joue, et je ne joue pas sur les mots.
Pour un peu mon embouchure se décolle, et là, j’ai la pince, j’ai la vibration, sans la chercher, bien jouer veut dire être sur l’air, c’est fantastique ! »
Robert Pichaureau, A tous vents
« Je préfère en général les becs plutôt fermés, mais j’essaie de trouver la combinaison entre la longueur de table et l’ouverture qui me permette de jouer sans pincer fort, de sorte que la maîtrise du son en soit facilitée.«
Eddie Daniels on Mouthpieces and Ligatures – (traduit par Guy Robert)