Les doigts et la langue sculptent le son
Le son vibrant de la colonne de son constitue la matière à travailler, à sculpter par l’articulation associant les doigts et la langue, qui apparaissent dans ce processus comme le lien physique entre
- le corps / émetteur
- et l’instrument / amplificateur.
Avec doigté et une langue bien pendue
jusqu’au bout des doigts
Les doigts entrent en jeu dès l’émission initiale, pour la hauteur de la note, et sont pilotés par l’intention musicale, comme le rappelle Dominique Hoppenot dans Le violon intérieur.
« (…) les doigts sont l’expression de ce qui se décide ailleurs, et la difficulté dans la mise en place d’un geste est due plus souvent à l’obscurité d’une image mentale qu’à une incapacité mécanique. »
Dominique Hoppenot, Le violon intérieur
Le positionnement des doigts s’effectue avant l’action de la langue, qui ne doit pas perturber cette première note.
prendre langue
« La première émission se fait sans la langue, avec les dorsaux ; la deuxième se fait en descendant la langue. »
Robert Pichaureau, Expressions favorites
Ensuite, la pointe seule de la langue, la plus légère possible (plutôt le bord, selon Joe Allard) suffit pour former le détaché, et il faut diriger son action vers l’intérieur et l’arrière (et non pas vers l’anche), en la retirant délicatement dans le prolongement de l’anche : le bord de la langue libère la vibration de l’anche, qui doit toujours être visualisée au centre du diaphragme.
« Nous avions l’habitude d’émettre la première note sans utiliser la langue, puis de l’amplifier très fort, et il nous faisait alors articuler très légèrement sur ce son. Notre langue touchait à peine l’anche, en interrompant sa vibration sans la bloquer, il nous apprenait ainsi à très peu remuer la langue. Il nous faisait jouer à plein volume pour nous habituer à articuler légèrement tout en jouant fort.
De nombreux élèves donnent d’énergiques coups de langue quand ils jouent fort ; l’enseignement de Joe distingue ces deux aspects. »
Kenneth Radnofsky about Joe Allard – (traduit par Guy Robert)
« Allard préférait parler du « bord » plutôt que de la « pointe » de la langue, qui évoque un point extrême. Il tenait cela de la littérature sur le discours, qui décrit la langue comme ayant un bord et une lame, la lame représentant la surface de la langue. »
Debra Jean McKim about Joe Allard – (traduit par Guy Robert)
« Le son résultant de l’articulation est produit à la libération de l’anche. Conceptuellement, la langue peut être considérée comme le prolongement de l’anche. »
David Liebman, Developing A Personal Saxophone Sound – (traduit par Guy Robert)
Vers le style personnel
La dynamique de cette sculpture musicale résulte des constituants suivants : l’idée musicale (formée mentalement, ainsi que l’explique George Kochevitsky dans The Art Of Piano Playing), la vibration sonore, le doigté, et la finesse de la langue pour les musiciens à vent.
au doigt et à l’oreille
Comme vu dans d’autres thèmes (instrument, aigus et graves, sensations, convergence), les sensations proprioceptives doivent piloter l’instrument, selon l’enchaînement suivant :
- cerveau > vibration interne > doigts et embouchure > instrument.
Pour la dernière étape, les doigts restent proches des clés (ou des touches du piano), la bouche prolonge le bec et la langue prolonge l’anche.
L’intention musicale est alors transmise directement, sans perturbation : autrement dit, l’intention produit le message musical, grâce à la technique la plus discrète possible.
« { Ludwig Deppe (1828-1890) écrivit que le son doit être produit non pas par l’action des doigts, mais par le mouvement coordonné des constituants du bras. }
Ludwig Deppe était opposé à toute frappe brutale du clavier du piano, il disait que l’on ne doit pas taper sur les touches, mais plutôt les caresser. (…) Chaque doigt va agir sous la direction consciente de la volonté.
Il décrivait le schéma mental du chemin reliant le cerveau à l’extrémité des doigts et insistait sur le fait que le mental doit travailler en même temps et en cohérence avec les doigts et les mains.(…) L’entraînement de l’oreille va de pair avec la progression technique.«
« { Au milieu des proclamations des suiveurs de Deppe, un pianiste et professeur du nom d’Oscar Raif effectua de très intéressantes expérimentations. }
Raif conclut qu’il serait vain de vouloir améliorer la technique pianistique en augmentant l’agilité individuelle de chaque doigt.
Le problème réside non pas dans le mouvement proprement dit, mais dans la fine synchronisation des mouvements successifs des doigts. Comme cette synchronisation résulte de la perception et de la volonté, il est évident à ce point que l’aspect technique trouve son origine dans le système nerveux central. À partir de là, les mouvements sont obligatoirement coordonnés car intégrés dans une action volontaire.
(…) La production finale de la pièce musicale doit être préparée par un nombre suffisant de répétitions consciemment voulues des mouvements élémentaires. »
« La liaison ordinaire os-muscle suffit pour pouvoir développer une technique de haut niveau, puisque c’est le cerveau qui agit en arrière-plan des mains.«
« (…) en premier lieu, on prépare ses doigts sur les touches concernées. Ensuite, chaque doigt enfonce sa touche par une légère pression, sans la relâcher. (De ce fait, la course du mouvement du doigt correspond à l’enfoncement de la touche). Puis on déploie son jeu très lentement, pianissimo, en concentrant son attention sur l’extrémité de ses doigts.«
« L’intention musicale, toujours avec un temps d’avance, doit stimuler le déroulement technique. Si ces aspects techniques prennent le dessus, il y a un danger certain de dégradation vers une virtuosité superficielle.«
George Kochevitsky, The Art Of Piano Playing – (traduit par Guy Robert)