convergence

Les convergences multiples du son

Ça converge de partout

Le son personnel résulte donc de convergences multiples, entre

  • le corps et l’instrument,
  • le corps et le sol,
  • l’inspiration et l’expiration,
  • la colonne de son et le diaphragme,
  • l’oreille interne et les cordes vocales,
  • la nuque et les reins,
  • l’embouchure et la source du son,
  • la source du son (Hara) et les talons,
  • le Hara et la résonance de l’instrument,
  • le son et les idées musicales,


et plus globalement, entre les propres images mentales du musicien et le contrôle physique qu’elles orientent, comme le bassin et la verticalité, ainsi qu’on le voit dans L’oreille et la voix d’Alfred Tomatis.

« Être indivisible.
Tirer la nuque avec les reins.
Faire des phrases et non des notes.« 

Robert Pichaureau, Expressions favorites

la voix est libre

 La prise de conscience de son attitude en fin d’inspiration naturelle, enchaînée avec la relaxation descendant vers les talons fait converger la voix du musicien avec son corps, en libérant sa résonance interne.

« (…) tous les soirs pendant vingt années, je conduisis des chanteurs à prendre conscience de leurs sensations proprioceptives. Dès lors qu’ils y parvenaient, j’étais assuré qu’ils étaient capables de reproduire par eux-mêmes les processus de contrôle qu’ils avaient acquis puisqu’ils possédaient le moyen de déclencher l’ensemble des mécanismes qui y conduisait.« 

« Ainsi, pour chanter, il est indispensable de se voir faire tandis que l’on parvient à percevoir que le corps est mis en forme instrumentale. Celui qui arrive à provoquer ces clivages de manière consciente atteint une maîtrise particulièrement aiguisée qui facilite les acquisitions et les accélère.« 

« {l’enseignant indique ce qui doit se percevoir à tel ou tel niveau}

(…) Puis il montre comment y parvenir de manière imagée en précisant bien qu’il existe ces trois dimensions, d’une part, celle de l’artiste qui joue, d’autre part, celle de l’instrument, et enfin celle du son qui s’en dégage lorsque le corps se prend à résonner. »

« Dès lors, maître de son souffle, la colonne en rectitude et confortablement assis sur son sacrum, le chanteur conduit comme il lui semble son interprétation, telle que lui insuffle désormais son corps vibrant et résonnant.« 

Alfred Tomatis, L’oreille et la voix

le cerveau du piano

Comme illustré dans air et respiration, l’image de cette convergence globale est centrée au bas du dos, elle nous fait oublier de souffler pour mieux vibrer, en évitant toute contraction perturbatrice : George Kochevitsky explique le contrôle mental de ce processus dans The Art Of Piano Playing.

L’exercice conscient du système nerveux central favorise la formation d’images proprioceptives, qui stimulent la propagation de la vibration interne vers l’instrument. Cette vibration se nourrit directement de la respiration naturelle, en émergeant de la source du son.

Alors, la sensation d’être assis sur le son relie véritablement le cerveau au discours musical, faisant oublier au musicien son corps (le moyen d’expression) et son instrument (l’amplificateur de sa vibration).

« Travailler le piano revient essentiellement à faire travailler son système nerveux central, de façon consciente ou non.« 

« { En 1881, le remarquable physiologiste allemand Emil Du Bois-Reymond livra un célèbre discours sur la physiologie de l’effort : The Physiology of Exercise. }

Du Bois-Reymond déclara que l’activité motrice du corps humain dépend plus de l’interaction appropriée entre les muscles que de la force de leur contraction. »

« { Steinhausen sur l’origine psychique de la technique : en 1905, plusieurs mois après la parution du livre de Rudolf Maria Breithaupt, Die Natürliche Klaviertechnik, fut publié l’ouvrage du Dr Friedrich Adolph Steinhausen Die Physiologische Fehler und Umgestaltung der Klaviertechnik (“Erreurs physiologiques et réorganisation de la technique pianistique“). }

Comme la source de chaque mouvement réside dans le système nerveux central, le travail d’un instrument de musique résulte avant tout d’un processus psychique, de la répétition d’expériences corporelles accumulées et ajustées à un objectif prédéfini.

(…) La pratique instrumentale entraîne à déplacer ses doigts au bon moment et en bon ordre en accord avec un motif musical donné. On peut aussi développer la maîtrise des fines nuances dans l’intensité sonore. Mais cet apprentissage reste mental et n’a rien de commun avec un effort musculaire.

“Une faible variation mentale produit un effet bien supérieur à celui obtenu par un important effort musculaire“.

(…) Notre technique se ramène à l’interdépendance de notre moyen de jeu instrumental avec notre volonté et notre intention esthétique. »

« La répétition des stimulations inconditionnelles (les mouvements produits par l’outil du jeu instrumental) diminue l’ampleur de l’irradiation et favorise la concentration de l’excitation. Elle cible alors seulement les cellules sollicitées de la région motrice du cortex. Les meilleurs résultats sont obtenus en contrôlant de près ces stimulations répétées : les mouvements doivent être scrutés et la moindre contraction parasite évitée.« 

George Kochevitsky, The Art Of Piano Playing – (Traduit par Guy Robert)

« L’unité corps/mental est LA machine qui fait TOUT fonctionner.« 

Michel Ricquier, L’utilisation des ressources intérieures

« L’oreille interne se combine avec le système nerveux et le cerveau pour piloter les cordes vocales.« 

David Liebman, Developing a Personal Saxophone Sound – (Traduit par Guy Robert)

faut pas pousser !

En laissant le muscle transverse peser sur la “bouée“ autour du bassin, le son se propage vers le sol et ne requiert qu’une consommation d’air minimale. Cette riche vibration est générée à partir de la position optimale de ce muscle transverse, captée au plus bas grâce au lâcher-prise en fin d’inspiration naturelle : c’est l’instant précis de la pose du bon son, qui coule dans les talons et se développe pendant l’expiration non poussée.

Le jeu pour le je

La confiance en soi et le bien-être physique se renforcent dans cette convergence globale, rendant l’expression musicale pleinement vécue, comme dans Le violon intérieur de Dominique Hoppenot.

Dans ces conditions, la relaxation ciblée sur la source sonore fait converger la vibration interne vers les talons, ce qui libère alors la partie supérieure du corps.

« Il ne faut pas perdre de vue (…) que tous les problèmes sont liés. Un découpage, si cohérent soit-il, reste toujours un découpage d’une réalité une et totale : la “concentration“, par exemple, ne saurait se concevoir sans la “sensation“ ; la “sonorité“ ou la “respiration“ pourraient être placées en tête des chapitres, mais sont-elles réalisables sans “équilibre corporel“ ?« 

« L’aspect captivant de ce travail est que toutes les informations qui ont été ainsi profondément ressenties par le corps annulent d’un coup la distance angoissante qui existe entre ce que l’on veut faire et ce que l’on est soi-disant incapable de faire.
Vouloir et pouvoir coïncident enfin.
« 

« Celui qui a été suffisamment patient pour apprendre à se concentrer tout au long de son travail d’apprentissage devient capable en deux secondes, et quelles que soient les circonstances, de se rassembler pour pouvoir exprimer dans l’instant l’essence même de la musique.

Lorsque naît un tel sentiment de liberté intérieure, le jeu comme le travail deviennent, sans effort, sources de joie et de création permanente. Il est alors possible de parler sans imposture d’interprétation et d’expression musicale. »

Dominique Hoppenot, Le violon intérieur

« La musique représente votre vécu, vos pensées, votre essence-même.

Si vous ne la vivez pas, elle ne sortira pas de votre instrument. » (…)

Charlie Parker – (Traduit par Guy Robert)

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